
Depuis la fin des primes liées à l’achat de modèles diesels fin 2011, l’attrait de ce carburant diminue en Europe pour les automobilistes mais pas pour les transporteurs routiers. Un choix rationnel ou purement émotionnel? Débat avec des représentants du monde automobile et de la fédération pétrolière belge.
C’était l’objet d’une table ronde qui a réuni, à l’initiative de «L’Essentielle Auto » (Le supplément trimestriel auto de « La Libre »), des représentants du monde automobile (1) mais aussi de la fédération pétrolière belge (FPB). Celle-ci est en première ligne dans ce débat complexe et méritant un examen plus approfondi que le prix à la pompe ayant trop longtemps guidé le consommateur.
En effet, quand on évoque l’avenir du diesel et la pollution surtout urbaine qu’il engendre à travers les particules fines nocives pour la santé, un élément est souvent négligé : le secteur des transports qui représente en Belgique 60% à 66% des déplacements. Si, effectivement, le diesel est en recul sensible dans les voitures au profit de l’essence- surtout depuis la suppression de la prime gouvernementale de 15% fin 2011-, les ventes de carburant diesel ont globalement progressé l’an dernier chez nous où le transport routier continue à se développer. Une réalité justifiant une relative pénurie et les adaptations apportées aux deux raffineries installées à Anvers : chacune a investi 1 milliard d’euros dans la transformation du fuel brut en diesel. Si la prise de conscience de la pollution générée par le diesel est récente pour les conducteurs automobiles, les constructeurs de poids lourds ont anticipé le phénomène en développant de longue date des efforts de réduction de la pollution et de la consommation pour des raisons d’abord économiques. Ainsi, rappelle-t-on chez Mercedes, un poids lourd transportant 40 tonnes se contente-t-il de 30 l/100 km, ce qui équivaut à une consommation d’ 1l/100 km pour une petite voiture.
Essence et diesel, même prix à terme
La fin du diesel ? Pour les transports de marchandises par la route mais aussi sur les voies navigables intérieures, on est loin du compte. Et pour l’automobile ? Un premier paramètre est en train de changer : le fameux « prix à la pompe » qui a motivé tant d’achats inadaptés mais qui satisfaisaient le consommateur au quotidien ! Hors taxe, le diesel a déjà augmenté de 15% suite au déséquilibre de la production, et le système réactivé par le gouvernement du cliquet inversé (la moitié de chaque baisse du carburant est reconvertie en accises) va dans le même sens avec un prix essence-diesel équivalent en principe aux alentours de 2018.
A ce premier élément moins favorable s’en ajoute un autre : le coût plus élevé des nouvelles normes antipollution Euro VI (depuis septembre dernier) pour les moteurs diesels. Celui-ci pénalise très sensiblement les petites voitures dont le prix à l’achat les rend de moins en moins intéressantes. Smart et d’autres ont même renoncé à proposer une version diesel pour les modèles de petit gabarit – d’autant plus que cette offre concernait essentiellement l’Europe- , et la plupart des constructeurs font aujourd’hui la promotion de petits moteurs essence associant une cylindrée réduite à un turbocompresseur au bénéfice de performances parfois étonnantes. Ainsi, Audi a lancé une A1 essence 3 cyl. 1l. développant 95 ch. Encore faut-il que le client accepte ces nouvelles normes techniques inhabituelles pour lui. A l’inverse, les voitures de société restent très majoritairement diesels (jusqu’à 80 ou 90% pour les gros modèles) en fonction d’un calcul de rentabilité très précis prenant notamment en compte kilométrage annuel, consommation et donc rejets de C02 au gramme près, taxation, entretien et valeur à la revente (résiduelle).
Les autorités politiques doivent définir leurs priorités environnementales
A la question de savoir quel est le bon choix pour le consommateur, les intervenants de la Fébiac et de la FPB répondent par une autre interrogation : que veulent les pouvoirs publics? On reproche aux automobilistes, disent-ils, d’avoir fait un choix a priori logique vers une voiture résistante, plus sobre et rejetant donc moins de C02, capable de faire beaucoup de kilomètres et ayant une bonne valeur résiduelle. Les autorités politiques doivent dès lors définir leurs priorités environnementales : faut-il bannir en priorité les particules fines plutôt que de privilégier les normes Euro V et VI, ou faire la chasse au C02 (dioxyde de carbone), au NOX (oxyde d’azote) ou à une combinaison des deux ? Aux yeux de la fédération pétrolière belge, le jugement ne doit pas se faire sur base d’un produit mais d’un résultat d’émission mesurable et mesuré.
Et c’est là que le bât blesse : influencé par les primes, certaines déclarations d’hommes politiques et les taxes annoncées, le consommateur est ballotté entre différents choix pas toujours rationnels : ainsi, après une explosion des ventes diesels des Minis (à plus de 80%), on est retombé à une proportion de moins de 60%. Face à la perplexité des clients, il y a aussi, admettent les représentants des importateurs, un effort à faire pour mieux les informer, les interroger sur leurs priorités (kilométrage quotidien et annuel, prix à la pompe, usage urbain ou routier, confort, valeur résiduelle) puis les orienter vers ce qui leur convient le mieux.
L’hybridation appelée à se développer dans le monde
Et que penser des carburants alternatifs non fossiles ? Les constructeurs réclament des incitants fiscaux mais aussi des outils qui se font attendre : à côté des bornes de recharge électriques, ils demandent plus de stations de gaz naturel ou d’hydrogène. Si non, disent-ils, comment vendre nos produits ? A l’évidence, la FPB se montre prudente après avoir évoqué des investissements à perte (E85 flex fuel, LPG…). Elle estime qu’un nouveau projet doit tenir la route sans incitant- ce que ne permettront pas selon elle l’électricité, l’hybridation et la pile à combustible- et qu’il faut se diversifier et garder une grande ouverture d’esprit. Par exemple, l’énergie fournie par les parcs à éolienne pourrait servir à fabriquer du fuel synthétique.
Et puis, combien est prêt à payer le consommateur ayant une certaine conscience écologique pour acheter une voiture moins polluante mais hors subsides ? A ce jour, le scepticisme reste de mise parmi les commerciaux qui savent combien le Belge a la tête près du bonnet. A plus long terme – 2040-, des études pétrolières au niveau mondial prévoient en automobile la domination des systèmes « full hybrides » au détriment de l’essence, tandis que la consommation de diesel se stabiliserait. A moins que n’apparaisse d’ici là une « super batterie » bon marché, capable de se recharger rapidement et d’offrir une autonomie gigantesque !
(1) Participants: René Aerts Jr, Corporate Communication Director, Volvo Cars; Eric Van den Heuvel, Head of Press & Corporate Communication, Mercedes-Benz Belux; Thomas De Meuter, Public Relations Manager, D’Ieteren Audi Import; Joost Kaesemans, Directeur de la Communication, Febiac; Laurent De Backer, Sales, Marketing & PR Manager Belux, Maserati West Europe; Jean-Louis Nizet, Secrétaire Général, Fédération Pétrolière Belge; Christophe Weerts, Corporate Communications Manager, BMW Group Belux.
FAUT-IL INTERDIRE LE DIESEL EN VILLE?
Devrait-on interdire le Diesel en ville pour limiter les particules fines? Bien sûr, il y aurait de l’avenir en milieu urbain pour une petite voiture 1 litre à essence et partiellement hybride, admettent nos interlocuteurs, avant que la FPB n’insiste sur le même principe : ce n’est pas un carburant mais le niveau de pollution globale qu’il faut pénaliser. A Paris et à l’initiative de la maire Anne Hidalgo, les restrictions de trafic vont être traduites en étoiles selon la pollution engendrée. Par exemple, les moteurs diesels d’avant 1997, dotés d’une seule étoile, seront interdits à partir du 1er août 2016. On pourrait s’inspirer de règles similaires en Belgique.
LES ATOUTS DU MOTEUR DIESEL
Indépendamment du débat évoqué ci-dessus, un défenseur de la motorisation diesel avance notamment les atouts suivants:
– à égalité de développement technologique, un moteur diesel consommera toujours 20 à 25% de moins qu’un moteur à essence de cylindrée similaire.
– le rendement supérieur de quelque 20 à 25% des moteurs diesels par rapport à ceux à essence de puissances comparables fera en sorte que le diesel compensera toujours la différence de CO2 qu’il produit par litre de carburant consommé aux 100 km par rapport à un moteur à essence (p.m. 23 gr/km par litre aux 100 en essence contre 26 gr/km en diesel),
– le différentiel de consommation entre essence et diesel de puissances comparables suivant que l’on soit un bon ou un mauvais conducteur : 100% en essence et seulement 50% en diesel.
– les nouveaux moteurs à essence doivent passer à l’injection directe pour réduire leur consommation mais l’essence n’étant pas un carburant gras comme le diesel, les pompes d’injection ne peuvent injecter l’essence dans les culasses qu’à une fraction de la pression (jusqu’à plus de 2 tonnes au cm2) qu’autorise le diesel et les moteurs à essence produiront davantage de suie et donc de particules que les diesel.
– le consommateur ne doit pas se détourner du diesel quand il fait moins de 15.000 km/an mais quand, presque indépendamment du kilométrage annuel total, la majorité de ses déplacements font moins de 15 km après un démarrage à froid. Et cela pour des raisons évidentes de respect de l’environnement mais aussi de longévité du moteur. En effet, un diesel monte moins vite à sa température idéale de fonctionnement qu’un moteur à essence, ce qui vaut aussi pour le filtre à particules.
LE MARCHE DES VOITURES A ESSENCE EN HAUSSE
Si la part des voitures à essence était encore de près de 70% en 1991, elle a chuté en Belgique à 23% en 2011. Depuis, elle progresse chaque année et a atteint 36% en 2014. Sur le marché des voitures achetées par des particuliers, l’essence (51,3%) a pour la première fois dépassé le diesel en 2013.
Même les diesels euro 6 sont loin d’être propres: particules secondaires contre lesquelles le fap ne peut rien, NOx toujours plus élevés que les essences, et produits en réalité 7 fois plus qu’annoncés (en moyenne, mais jusqu’à 27 fois), N2O (protoxyde d’azote) produits par les systèmes anti-NOx, entre autre SCR, ce gaz étant 300 fois plus nocif que le CO2 en matière d’effet de serre, etc… Sans compter les rejets du FAP une fois celui-ci en régénération. Et n’oublions pas la fiabilité qui reste assez aléatoire, les coûts élevés des entretiens, des pièces et des réparations.
Certes, certains moteurs essence à injection directe rejette aussi des particules (primaires, celles-là), mais pas tous et beaucoup moins de NOx. Un moteur à essence moderne à injection indirecte (il y en a encore) est celui qui pollue le moins, hormis les moteurs au CNG, voire LPG.
Le problème avec le diesel, c’est que dès qu’une solution contre un type de pollution apparait, elle en provoque un autre. C’est sans fin.
Mais tout cela, les constructeurs autos, PSA en tête, se gardent bien de nous le dire. Ils prétendent que leurs diesels Euro 6 sont propres, mais on attend toujours que des études indépendantes sérieuses confirment leurs dires. A ma connaissance, ce n’est pas le cas.
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J’ajoute que certains diesels euro 6 produisent autant (voire plus) de particules que des moteurs essence à ID. Par exemple, le DCI 16 Renault.
Et n’oublions pas qu’à consommation égale, un moteur essence rejette moins de CO2 qu’un diesel. De plus, le diesel produit plus de CO2 au raffinage que l’essence, et doit être importé chez nous parfois de très loin, ce qui en définitive ne l’avantage pas vraiment en matière de rejets de CO2.
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Mais pourquoi ne parle-t-on pas ou plus du Diesel MCE5 ou le VCRI à course variable soit disant très sobre avec un couple supérieur et moins d’usure???
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Bonjour,
Merci pour cet article. Perso, je l’ai trouvé vraiment passionnant, tout comme votre blog d’ailleurs. Bonne continuation.
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Merci de vos commentaires!
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Excellent article
1000 merci depuis la Suisse
PS : un militant anti « mazout »…
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Merci de votre lecture et de votre commentaire, Monsieur.
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Le pourcentage des diesels actuels respectant les normes (pourtant nettement insuffisantes): 10%. Les essences: 80%.
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