Mobilité: « il faut modifier le comportement des automobilistes à Bruxelles »


" La priorité doit être d'éduquer la population à faire les bons choix, en se méfiant des ayatollahs, de l'auto comme du vélo".
 » La priorité doit être d’éduquer la population à faire les bons choix, en se méfiant des ayatollahs, de l’auto comme du vélo ».

Au moment où va débuter la semaine européenne de la mobilité et à quelques jours du « dimanche sans voiture » à Bruxelles, interview du Dr Eric Cornelis, professeur à l’Université de Namur et animateur de l’enquête Beldam sur la mobilité en 2010. Selon ce spécialiste des transports, il faut renoncer au « tout  à l’auto » des « 30 glorieuses » et modifier les comportements, sans se cacher derrière l’urgence pour prendre des mesures non réfléchies.

Dr Eric Cornelis, professeur à l'Université de Namur et animateur de l'enquête Beldam sur la mobilité.
Dr Eric Cornelis, professeur à l’Université de Namur et animateur de l’enquête Beldam sur la mobilité.

– Le plan IRIS 2 ambitionne de réduire la pression automobile de 20% à Bruxelles d’ici 2018 par différentes mesures compliquant l’usage de la voiture. Ne devrait-on pas au préalable  améliorer les transports en commun?

« C’est le débat entre mesures incitatives et coercitives. Développer d’abord les transports en commun suppose des investissements non rentables dans l’immédiat: un autobus circulant avec moins de 12 personnes à bord n’a pas de sens, ni pour l’économie ni pour l’écologie. Si on pousse les gens à basculer vers un autre mode de transport, on va les malmener dans un premier temps mais les recettes et donc l’offre vont être rapidement améliorées. Même si beaucoup de questions relatives aux transports en commun restent en suspens: pourquoi De Lijn est-il présent à Bruxelles et pas le TEC, à l’exception du « Rapido « reliant la capitale au Brabant wallon? Faut-il rendre les transports en commun gratuits sachant par exemple qu’à Hasselt, le déplacement modale a concerné essentiellement les cyclistes et les marcheurs? Quelle sera l’efficacité du futur RER avec des passages toutes les 15 minutes et une couverture limitée à 30 km autour de Bruxelles au lieu d’aller jusque Namur ou Gembloux? En fonction de la périurbanisation, trouvera-t-on encore des terrains à des prix abordables pour y installer des parkings de dissuasion? »

 Dans les courbes de trafic, le pic matinal se situe autour de 8 h. du matin. Vous mettez en cause les écoles.

« On ne peut pas résoudre les problèmes actuels sans examiner en amont les causes de la non mobilité ni sans modifier les habitudes nées des « 30 glorieuses » (1945-1973) où la voiture était le mode de transport idéal. C’est l’époque où on supprimé les trams et les trolleybus qui prenaient la place des voitures pour les remplacer par des autobus. Le plus bel exemple de transport individuel est l’école: dans le trafic, un jour de congé scolaire s’apparente plus à un week-end qu’à un jour de semaine normal, sachant en outre que tous les cours commencent entre 8h15 et 8h30. En France, la carte scolaire impose le choix de l’école mais on sait à quel point ce sujet est un grand tabou chez nous. Faut-il maintenir cette liberté? Bien sûr, le transport vers l’école est souvent couplé à d’autres déplacements vers le bureau etc. »

– Etes-vous favorable au péage urbain à l’entrée de Bruxelles?

« La mesure doit rester équitable. Si vous habitez en Ardenne et travaillez à Bruxelles, la voiture est souvent le seul choix possible. Et puis, comment fixer ce prix? Dans quelle zone sera-t-il appliqué? A Londres, la mesure a été efficace mais ses effets diminuent et beaucoup de personnes et d’entreprises ont intégré le péage au coût normal de la voiture. »

– Comment agir par ailleurs sur la mobilité?

« Le meilleur déplacement reste celui qui ne doit pas avoir lieu. Il faut donc repenser l’aménagement du territoire ou la politique foncière afin de privilégier les entreprises installées près des transports en commun plutôt que le long des autoroutes. C’est un sujet évidemment complexe en fonction des différents niveaux de pouvoir. Le même raisonnement vaut pour les grandes surfaces en périphérie, les heures d’ouverture des magasins ou…les voitures de société qui pourraient être remplacées par une intervention patronale dans le loyer des employés ».

-Quelles alternatives voyez-vous pour l’automobile?

« La marche et le vélo en font partie, même si on doit garder en mémoire pour ce dernier un vieillissement de la population. Le transport fluvial, on y a pensé à Namur mais sa rentabilité n’est pas garantie en raison des investissements et s’il accueille des cyclistes et des marcheurs, c’est une concurrence stérile. A Bruxelles, il faut surtout modifier le comportement des automobilistes et encourager une plus grande utilisation des transports en commun ».

– Quelle est en définitive la priorité?

« Les embouteillages n’ont pas encore atteint un seuil rédhibitoire à Bruxelles qui reste une petite ville au niveau européen et mondial.Il faut donc éviter de se cacher derrière l’urgence pour prendre des mesures trop rapides ou non réfléchies. On doit repenser l’usage rationnel des différents modes de transport, Pour un certain nombre de déplacements, l’auto reste la bonne formule, alors que les transports en commun ou le vélo conviennent mieux à d’autres. La priorité doit être d’éduquer la population à faire les bons choix, en se méfiant des ayatollahs , de l’auto comme du vélo ».

(Propos recueillis par Yves de Partz)

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6 réflexions sur “Mobilité: « il faut modifier le comportement des automobilistes à Bruxelles »

  1. Dochy

    Il est inexact de dire que les TEC ne desservent pas Bruxelles. Le TEC est présent à Bruxelles par la ligne venant de Waterloo par la chaussée du même nom et atteint la gare du Midi.

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    1. Merci de votre réaction. J’ai cité aussi le Rapido et on peut encore évoquer les navettes UCL et celle vers l’aéroport de Charleroi, mais ne trouvez-vous pas la présence des TEC à Bruxelles est limitée au strict minimum? Bien sûr, cela tient aussi à nos structures institutionnelles.

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  2. marc

    Réduire l’usage de sa voiture à Bruxelles ? Est-ce une blague ?

    Pendant cinq ans j’ai essayé de faire cela ! Le manque de fiabilité de la Stib et la suppression des places de stationnement par la ville a fait cela impossible ! Car sans voiture j’aurais perdu mon travail l’année dernière lors de la semaine de grève car je travaille à l’extérieur en zone industrielle. Vous n’avez surtout pas pensé aux justiciers de dimanche qui font la loi dans cette ville. Si votre voiture ne bouge pas régulièrement, ce sont des actes de vandalisme dont vous êtes victime car la ville a supprimé tellement de places que certains gens qui circulent pendant des heures le soir et qui ne trouvent pas de place, deviennent sanglés.

    Éteignez les feux de circulation le soir/ la nuit et synchronisez-les et cela fera beaucoup pour améliorer la circulation en terme de fluidité et l’environnement !

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  3. naveteur

    mouais je conduis mon fils le matin a l’école ( 5km de chez moi) 10 minutes en voitures et 45 minutes en tram+bus. Après j’ai le choix, avant je laissais ma voiture à l’école pour aller bosser et je prenais le tram maintenant il n’ y a que des zones bleues. Du coup, je suis obligé d’utiliser ma voiture pour aller bosser. LEs politiques c’st du n’importe quoi. Ils veulent que les gens laissent leurs voitures aux garages mais ils empechent les mêmes personnes de laisser leurs voitutres gratuitement devant les métros et lignes de tram. Allez comrprendre leurs logiques !

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  4. QQ commentaires via lalibre.be:
    zo6 – Belgique
    Curieux comme les responsables de la mobilité ne parlent plus que … de la réduire. La ville organise presque les embouteillages en réduisant la voirie. Le pire que j’ai entendu est qu’on ne maintenait plus les logiciels de synchro des feux rouges pour décourager l’automobiliste. Si le but est de rendre la voiture aussi lente que les transpire-en-commun, il reste pourtant de la marge. Le matin, pour moi, c’est 20 min en voiture et de 50 min á 1h15 en Stib. Va-on mettre des embûches pour me ralentir en voiture ou y a-t-il une maigre chance que les transports publics constituent un jour une offre crédible de mobilité ?

    CCO – Ruisbroek (Bt.)
    Blablabla sur le trafic, mais quelles en sont les vraies causes. Plus de navetteurs, oui, mais tellement plus ? croyez-vous que 50.000 emplois ont été créés pour 50.000 voitures en plus.Laissez-moi rire. Le trafic à Bxl, c’est le courant entrant, bien sur mais surtout le courant interne qui a explosé, les voies de circulation réduites, voire carrément détruites, les emplacements de bus qui n’existent plus et qui empêchent une régulation du trafic, les chantiers à ne plus en finir, au parking sauvage, non sanctionné, style devant le parlement bruxellois…etc…etc…les petites baronnies bruxelloises qui ne peuvent se mettre d’accor.

    E.Tonné – Belgique
    « Selon ce spécialiste des transports, il faut renoncer au « tout à l’auto » des « 30 glorieuses » et modifier les comportements. »

    -Que s’est-il passé depuis les années 70?

    -Entre autres:
    -Une multiplication de zonings (industriels et administratifs) hors du centre ville (et surtout , en général peu ou mal desservis par transports en communs), cela génère un trafic automobile inconnu auparavant.
    -Vers la même époque, la plupart des enfants, jeunes gens, allaient à l’école, lycée, athénée, université, etc en transport en commun.
    La population scolaire a grandi, soit. Mais c’est surtout que chaque parent veut aller en voiture, déposer son petit amour si possible dans sa salle de classe (compter 4 déplacements pour les
    petits choux).
    Démonstration par l’absurde: tout circule bien lors d’un congé scolaire…..

    sophos – Etterbeek
    Ceux qui bossent ou veulent bosser,qui ont un ou plusieurs enfants (courses, conduire les gosses, dentiste, hôpital,activités, etc.) ont besoin d’une bagnole …alors laissez-nous tranquilles !!!! Et arrêtez de nous taxer, donner des amendes etc., de nous culpabiliser ….parce que, sans nous, vos petites vies de fonctionnaire écologiste avec des horaires et une vie bien reglés, pensionné ou politicard en mal de voix ne seraient pas possibles.

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