Et si Francorchamps s’ouvrait à des administrateurs privés ?


Géré par un conseil d'administration politique à 100%, Francorchamps doit évoluer. @lorquet.be
Géré par un conseil d’administration politique à 100%, Francorchamps doit évoluer et préparer l’après-F.1. @lorquet.be

Depuis que la province de Liège puis les autorités régionales socialistes ont mis la main sur le circuit dans les années 70, Francorchamps et le monde politique wallon sont devenus inséparables, pour le meilleur et pour le pire. Il serait temps d’élargir le débat, alors que le site s’apprête à accueillir une nouvelle… directrice.

Francorchamps 1983 : à quelques mois du retour des F.1 sur un circuit transformé et réduit de moitié, Bernie Ecclestone, en réponse à des pressions venues du rival Zolder, exige de déplacer le lieu du départ pour des raisons de sécurité. En catastrophe, une nouvelle zone est aménagée en amont de l’épingle de la Source en rachetant maison et terrains au puissant Royal Automobile Club de Spa. Reste à construire des stands mais avec quel argent car les crédits destinés au retour du Grand Prix sont épuisés. Une entourloupe est trouvée : on puise discrètement dans les budgets destinés aux infrastructures sportives en désignant tel stand comme une salle de ping pong, en attribuant à un autre la pratique du volley, etc. D’où 120 millions de FB supplémentaires à charge de la communauté. Nié dans un premier temps par le président de l’Intercommunale gérant le circuit, notre scoop sera confirmé un an plus tard, lorsque les comptes seront entérinés.

Depuis cette époque, la politique est omniprésente dans la gestion et le développement de ce circuit, qu’il s’agisse des investissements structurels et conjoncturels, des nominations ou de la gestion, avec des pratiques politiciennes qui ne semblent pas appartenir au passé.

Le jeu politique freine le travail

Interrogé l’an dernier par nos soins dans « Essentielle Auto » (La Libre + la dh) sur ce mode de gestion, le directeur du circuit alors en place, Pierre-Alain Thibaut, avait tenu des propos… politiquement corrects, estimant qu’en ce qui le concernait « la collaboration ne s’est jamais mal passée avec le monde politique ». Il concédait juste avoir « appris la patience au sein d’une SA de droit public où un délai de 3 ans s’écoule entre un projet et sa réalisation ».

Libéré aujourd’hui de ses fonctions après 7 ans et au terme d’une séparation à l’amiable, l’ancien directeur a changé de discours cette semaine en réponse aux questions du « Soir » : « le jeu politique freine le travail au circuit ; la grosse difficulté est que l’intérêt de la société prime sur les amis, les petits intérêts privés, les consignes politiques ou les privilèges de certains clients ; le circuit, c’est comme le Standard de Liège : tout le monde sait beaucoup mieux que l’entraîneur ce qu’il faut faire ; avec un CA composé à 100% d’administrateurs nommés par leur parti, il est difficile d’avoir une position commune ».

Ah bon ?  On ne reprochera pas à Pierre-Alain Thibaut la prudence de propos antérieurs face à certains socialistes voulant la perte d’un homme qui a essayé, pas toujours avec la diplomatie voulue à l’égard du personnel, de gérer rationnellement ce site. Mais le discours de l’ancien cadre est éloquent et la tâche de Nathalie Maillet (45 ans), la nouvelle directrice qui prendra ses fonctions le 1er juillet, ne s’annonce donc pas facile.

Préparer « l’après Formule 1 »

Reste la question posée depuis une trentaine d’années au moins : après avoir permis une relance du circuit impossible financièrement pour une société privée, pourquoi les gestionnaires politiques de Francorchamps n’ouvrent-t-ils  toujours pas les portes  du CA à des administrateurs privés ? Des cadres indépendants choisis sur base de leur compétence et de leur expérience en Belgique et à l’étranger l’aideraient à fonctionner comme une vraie SA, ce qui, à en croire l’ancien directeur, est loin d’être le cas. Et puis, faut-il qu’indéfiniment la Région Wallonne, en plus de quelques millions d’euros d’investissements annuels dans les infrastructures, doive renflouer seule les comptes du Grand Prix ? (7 millions d’euros en 2014)

D’accord, on ne va pas empêcher quelques vieux pontes locaux de monter sur le podium du Grand Prix de Belgique fin août ou de recevoir leurs amis au champagne sur une terrasse au pied du raidillon. Mais ce formidable fleuron des sports mécaniques  – on ne rendra jamais assez hommage à l’ingénieur des Travaux Publics qui a pensé l’aménagement du tracé raccourci-, mériterait une gestion plus moderne, loin des pratiques du passé.

Faute de prendre les devants, tous les acteurs concernés – et notamment le secteur Horeca régional qui vit largement des retombées de cet outil promotionnel fonctionnant la plus grande partie de l’année-  s’en mordront un jour les doigts. Car il serait illusoire de croire que le monde de la Formule 1 à la recherche d’un nouveau souffle financier fera escale indéfiniment dans les Ardennes. Et faute de Grand Prix, l’étoile de Francorchamps pâlira au fil des années et l’herbe repoussera entre les dalles de béton si de nouvelles sources de revenus ne sont pas dégagées.

Prochaines échéances : 2018 (le Grand Prix est encore assuré au moins pour 3 ans) puis 2021 pour les 100 ans du circuit.

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